Le gingembre confit est une véritable friandise. La saveur piquante de la plante s’estompe dans le moelleux du confit cristallisé grâce à l’emploi de jeunes rhizomes au jus doux, laissant place à un léger goût citronné sous la couche croquante de sucre. La méthode de cristallisation est simple et se réduit à de l’eau et du sucre. Le savoir faire du producteur fait le reste et nous donne un bonbon de gingembre. L’association de cette sucrerie au chocolat est un accord simple et savoureux.
Incorporés dans une pâte à gâteau, ces petits cubes vous étonneront tant ils sont doux.
Émincez-les aisément et déposez les fines tranches obtenues sur un saumon cru, nappé d’un peu d’huile d’olive ou d’un macérât aux agrumes*. Ajoutez un trait de jus de pamplemousse, une pincée de poivre du Sishuan haché et vous régalez vos convives.
Ils se marient facilement avec tous les fruits ou presque, de la compote à la tarte, la salade ou la brochette de fruits sur le bord d’un verre de cocktail.
Originaire de l’Inde, le gingembre du genre Zingiber de la famille des Zingiberaceae, est un rhizome connu universellement pour ses utilisations culinaires et en médecine traditionnelle. La famille botanique de cette plante vivace contient une autre célébrité : le curcuma* appelé à la Réunion le gingembre-safran.
Depuis plus de 3000 ans, le gingembre laisse son empreinte poivrée dans une pléiade de civilisations. La Chine et l’Inde sont les premiers consommateurs de cette racine nommée en sanskrit srngavera, en forme de corne ou en forme de bois de cerf. Les marchands Phéniciens du 4ème siècle avant J.C. importent ce qui sera l’une des premières épices à faire son apparition dans le bassin méditerranéen. On imagine alors le succès et l’étonnement que cette plante à la saveur piquante a suscité sur les marchés antiques. Les prêtres de l’Antiquité égyptienne l’utilisent pour le processus de momification. Romains et grecs ne tarderont pas à l’utiliser pour « poivrer » leur cuisine. Le gingembre serait un poivre ? C’est ce que l’on croit alors en le soupçonnant d’être la racine du poivrier . Cette croyance va durer jusque’à la rectification de Pline l’Ancien. Ce naturaliste romain découvre l’origine du gingembre et consigne sa découverte dans l’un des 32 volumes de son encyclopédie terminée à la fin du 1er siècle, une œuvre colossale, référence dans le domaine des sciences et des techniques, parvenue jusque’à nous quand Pline meurt en l’an 79, lors de l’éruption du Vésuve qui a enseveli la ville de Pompeï.
Poivre et gingembre jouissent d’un même prestige et d’une valeur marchande supérieure à l’or. Ils servent de monnaie d’échange et donnent lieu à un impôt. Pour l’école de Salerne, première école de médecine du Moyen Âge du 11 ème siècle, c’est une épice aphrodisiaque ! Elle décrit le rhizome en ces termes : « au froid de l’estomac, des reins et du poumon, le gingembre s’oppose avec raison, éteint la soif, excite le cerveau en la jeunesse, éveille amour jeune et nouveau ». Un siècle plus tard, Hildegarde de Bingen aura un avis plus contrasté : « Un homme en bonne santé n’a pas intérêt à en manger, car ça le rend stupide, ignorant et lascif. Mais pour un homme sec et déjà bien affaibli, réduire du gingembre en poudre et en prendre dans une boisson améliorera son état.»
Les marchands arabes de cette époque nomment le gingembre zenj, tout comme les habitants des côtes Est de l’Afrique où ils s’approvisionnaient. L’archipel de Zanzibar situé à l’est de la Tanzanie dans l’océan Indien, est une trace de la présence de ces marchands.
Les Vénitiens seront au 15ème la grande puissance économique en lieu et place des marchands arabes. Les échanges commerciaux entre l’Europe et l’Orient leur appartiennent et ils assurent la distribution des marchandises luxueuses : tissus, parfums, sans oublier les épices (cannelle, poivre et gingembre). Le 17ème siècle voit l’ouverture d’un établissement européen de comptoirs et de compagnies dans les Indes, désignée alors comme les Indes Orientales. Dans le même temps, les Amériques et particulièrement la Jamaïque voient la culture du gingembre se multiplier, suivie par le Brésil, le Mexique et le Pérou et faisant croître sa popularité. Les exportations vont alors bon train et créent de facto la chute des cours. Cette épice autrefois si chère n’intéresse plus les gens fortunés pour investissement. Le siècle des Lumières fait émerger de nouvelles saveurs et de nouveaux produits. Le gingembre s’évanouit des cuisines et des champs de culture.
L’influence asiatique fait de nos jours inverser la tendance. L’Inde, 1er producteur mondial du rhizome voit sa production multipliée par 5 entre 2003 et 2017. Le constat est le même pour 6 autres grands pays producteurs.
La médecine traditionnelle et notamment indienne prescrivait déjà 1000 ans avant notre ère la plante pour diverses pathologies. Les marins chinois la mastiquaient pour lutter contre le mal de mer et les femmes chinoises contre les nausées matinales dues la grossesse. Les propriétés du gingembre ne s’arrêtent pas là, mais en France il est peu utilisé. Il entre dans la composition de phytomédicaments approuvés par l’organisme autorisant la mise sur le marché (AMM).
Les usages alimentaires sont légion depuis l’Antiquité, et pas seulement dans les cuisines chinoise, thaï et bien sûr indienne. Le vin d’hypocras, appelé aussi clairet, était aromatisé au gingembre dans toute l’Europe Moyenâgeuse. La ginger ale est bien connue des amateurs de bières ; au Canada c’est une boisson gazeuse sans alcool. Les boissons détoxiquantes au gingembre sont à la mode dans les régimes amaigrissants.
Une croyance persiste encore chez certains, croyance née dès l’Antiquité : le gingembre serait aphrodisiaque. Pline l’Ancien (encore lui) et ses confrères Avicenne et Discoride en parlent déjà !
Les adoratrices de Dionysos et de Bacchus, fabriquaient des philtres d’amour à base de gingembre.
Le Kâmustrâ évoque son usage dans des pratiques sexuelles occultes et Madame du Barry, au fait de la réputation du puissant rhizome, en procurait à ses amants… Alors, mythe ou légende ?